L’assurance construction – Fiche N°3 A savoir / A conseiller

L’assurance construction : à savoir

 Vous êtes un simple particulier qui avez fait construire votre maison ou qui avez acquis votre maison ou appartement en vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) ou bien vous êtes un professionnel du bâtiment ? Vous êtes tous confrontés à l’importante problématique de l’assurance construction, avec la distinction fondamentale entre deux types d’assurance :

  • l’assurance dommages ouvrage (DO)
  • l’assurance de responsabilité civile décennale (RCD).

1/ L’assurance dommages ouvrage (ou DO)

L’assurance dommages ouvrage est souscrite par le maître d’ouvrage, c’est à dire celui qui a fait construire ou celui qui a acquis un immeuble construit.

La qualité de maître d’ouvrage suit, en effet, le sort du bien, ce qui signifie qu’en cas de vente ou de ventes successives, le nouvel acquéreur devient systématiquement maître d’ouvrage et, par là même, titulaire de la police d’assurance dommages ouvrage que son vendeur ou le constructeur de l’immeuble a souscrit.

Il s’agit d’une assurance :

  • dite de choses, ce qui signifie qu’elle sera mobilisable, indépendamment de la question des éventuelles responsabilités civiles qui peuvent être encourues
  • de préfinancement, souscrite par et dans l’intérêt du maître d’ouvrage.

En effet, en présence d’un désordre dit de nature décennale, le maître d’ouvrage, titulaire d’une police dommages ouvrage, pourra se faire indemniser par son assureur DO, à charge pour ce dernier de recourir contre les entreprises éventuellement responsables (au titre de leur responsabilité civile décennale ou de leur responsabilité civile contractuelle dite “de droit commun”) et les assureurs de ces dernières.

Il est donc fortement conseillé, sachant par ailleurs qu’il s’agit d’une obligation légale, de souscrire une telle assurance ou, lorsque vous faites acquisition d’un immeuble de moins de 10 ans, de vérifier que votre vendeur, ou le vendeur précédent qui aurait fait construire l’immeuble, avait bien pris soin de souscrire une telle assurance, le sort de cette assurance suivant celui du bien vendu.

 2/ L’assurance de responsabilité civile décennale (RCD)

L’assurance de responsabilité civile décennale est l’assurance que les entreprises du bâtiment ou constructeurs (y compris les architectes et autres maître d’œuvre) souscrivent pour se garantir contre les conséquences de leur éventuelle responsabilité civile décennale engagée sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil.

Cette assurance est souscrite par les entreprises de bâtiment :

  • dans leur intérêt propre, puisqu’en cas de sinistre et de désordre de nature décennale, leur assureur devrait le prendre en charge dans les limites de la police et sous déduction de l’éventuelle franchise
  • mais aussi et surtout dans l’intérêt des clients de ces entreprises, puisqu’en cas de désordres de nature décennale et en l’absence d’assureur dommages ouvrage, le client victime serait amené à rechercher la responsabilité civile décennale des entreprises qu’il a fait intervenir et risquerait, en l’absence d’assureur de responsabilité civile décennale, de devoir subir les conséquences d’une éventuelle insolvabilité de l’entreprise.

C’est la raison pour laquelle il est indispensable pour un client, lorsqu’il fait appel aux services d’une entreprise pour des travaux d’une certaine importance, de lui réclamer la production de son attestation d’assurance pour l’année en cours, étant précisé que l’entreprise est légalement tenue  de souscrire une assurance de responsabilité civile décennale.

A noter qu’en pratique, les polices d’assurance souscrites par les entreprises comportent :

  • un volet Responsabilité civile décennale, qui couvre les hypothèses où l’entreprise verrait sa responsabilité engagée sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil
  • un volet Responsabilité civile de droit commun, qui couvre les autres hypothèses.

Néanmoins, au titre du volet ” responsabilité civile de droit commun “, la reprise de prestation de l’assuré n’est jamais prise en charge par l’assureur, de sorte qu’en cas de désordre affectant l’ouvrage, et hors l’hypothèse d’un désordre de nature décennale, l’indemnisation ne pourra qu’être partielle et concernera, le cas échéant, les dommages aux existants et éventuels préjudices de jouissance ou autres dommages immatériels.

3/ Les assurances DO et RCD sont obligatoires

L’article L. 242-1, alinéa 1er du Code des assurances dispose que :

 Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l’ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l’article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du code civil.

Les entreprises de bâtiment ou constructeurs, sont, quant à eux, soumis à l’obligation de s’assurer en responsabilité civile décennale. L’article L. 241-1 du Code des assurances, issu de l’ordonnance du 8 juin 2005,  dispose que :

Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.

A l’ouverture de tout chantier, elle doit être en mesure de justifier qu’elle a souscrit un contrat d’assurance la couvrant pour cette responsabilité.

Tout contrat d’assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l’obligation d’assurance.

L’article L. 241-2 du Code des assurances soumet à cette même obligation d’assurance responsabilité civile décennale les promoteurs immobiliers ou autres vendeurs d’immeubles en l’état futur d’achèvement, ou faisant construire pour le compte d’autrui.

 4/ La non-souscription de ces assurances est pénalement sanctionnée

Jusqu’en 2005, seule l’assurance dommages ouvrage étant obligatoire, aucune sanction n’était prévue pour le maître d’ouvrage qui ne souscrivait pas de police DO. Depuis 2005, l’obligation est prescrite sous peine de sanctions pénales, sauf à l’égard de la personne physique construisant un logement pour l’occuper elle même ou le faire occuper par son conjoint, ses ascendants, descendants ou ceux de son conjoint (cf. article L. 243-3 du Code des assurances, issu de l’ordonnance du 8 juin 2005).

En tout état de cause, sanction pénale ou non, il est impératif de comprendre que l’assurance dommages ouvrage est une assurance faite pour protéger le maître d’ouvrage et que ce dernier a tout intérêt à en souscrire une.

Malheureusement, en pratique, les hypothèses de non souscription de police DO sont très fréquentes, compte tenu du coût souvent très élevé de ces polices.

Bien évidemment, la non souscription d’une telle police DO sera moins préjudiciable au maître d’ouvrage si l’entreprise intervenue au titre des travaux litigieux est toujours solvable au jour de la survenance du ou des désordre(s) et si cette dernière était bien assurée en responsabilité civile décennale au jour des travaux…

D’où l’importance, pour tout maître d’ouvrage, de solliciter l’attestation d’assurance au jour où il confie la charge de réaliser les travaux de construction.

5/ Les cas de mise en jeu de l’assurance DO et de l’assurance RCD des constructeurs

L’assurance DO et l’assurance RCD des constructeurs sont susceptibles d’être mobilisées en présence d’un désordre de nature décennale au sens des articles 1792 et suivants du Code civil.

Un désordre de nature décennale est un désordre :

  • non apparent et non réservé à la réception
  • qui est apparu dans le délai de 10 ans à compter de la réception
  • et qui affecte la solidité de l’ouvrage ou rend l’ouvrage impropre à sa destination.

Dès lors que le désordre est de nature décennale, la police DO et la police RCD devraient être mobilisables, hors problématiques purement assurantielles tenant aux questions de la garantie dans le temps ou, s’agissant des assurances de responsabilité civile décennale, aux activités garanties etc.

A noter toutefois que l’assurance DO prend effet à compter de l’expiration du délai de parfait achèvement, soit 1 an à compter de la réception. L’article L. 242-1 alinéas 8 à 11 du Code des assurances dispose, en effet, que :

L’assurance mentionnée au premier alinéa du présent article prend effet après l’expiration du délai de garantie de parfait achèvement visé à l’article 1792-6 du code civil. Toutefois, elle garantit le paiement des réparations nécessaires lorsque :

Avant la réception, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d’ouvrage conclu avec l’entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations ;

Après la réception, après mise en demeure restée infructueuse, l’entrepreneur n’a pas exécuté ses obligations.

Toute entreprise d’assurance agréée dans les conditions fixées par l’article L.321-1, même si elle ne gère pas les risques régis par les articles L.241-1 et L.241-2 ci-dessus, est habilitée à prendre en charge les risques prévus au présent article.

6 / Les modalités de mise en oeuvre de l’assurance DO et les obligations à charge de l’assureur DO 

L’assurance DO étant une assurance très spécifique, l’assureur DO est tenu à des délais impératifs. L’article L. 242-1, alinéa 3 à 7 du Codes assurances dispose notamment que :

L’assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l’assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat.

Lorsqu’il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l’assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d’indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d’acceptation, par l’assuré, de l’offre qui lui a été faite, le règlement de l’indemnité par l’assureur intervient dans un délai de quinze jours.

Lorsque l’assureur ne respecte pas l’un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d’indemnité manifestement insuffisante, l’assuré peut, après l’avoir notifié à l’assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L’indemnité versée par l’assureur est alors majorée de plein droit d’un intérêt égal au double du taux de l’intérêt légal.

Dans les cas de difficultés exceptionnelles dues à la nature ou à l’importance du sinistre, l’assureur peut, en même temps qu’il notifie son accord sur le principe de la mise en jeu de la garantie, proposer à l’assuré la fixation d’un délai supplémentaire pour l’établissement de son offre d’indemnité. La proposition doit se fonder exclusivement sur des considérations d’ordre technique et être motivée.

Le délai supplémentaire prévu à l’alinéa qui précède est subordonné à l’acceptation expresse de l’assuré et ne peut excéder cent trente-cinq jours.

Si, l’assureur ne respecte pas ces délais et modalités, sa garantie sera mobilisée indépendamment de la question de savoir si les désordres en cause sont ou non de nature décennale.

L’assurance construction : à conseiller

Pennec & Michau conseille :

Au maître d’ouvrage, qui fait construire pour son compte ou pour autrui :

  • de souscrire une police d’assurance DO, sachant qu’il s’agit d’une obligation d’assurance
  • en cas d’acquisition d’un immeuble de moins de 10 ans, de vérifier que le vendeur, ou le vendeur précédent qui aurait fait construire l’immeuble, avait bien pris soin de souscrire une telle assurance, le sort de cette assurance suivant celui du bien vendu
  • de s’assurer que les entreprises qu’il fait intervenir sont assurées pour leur responsabilité civile décennale, sachant là encore qu’il s’agit d’une obligation d’assurance
  • de réclamer, au jour où il confie à une entreprise la charge de réaliser les travaux de construction d’une certaine importance, la production de son attestation d’assurance pour l’année en cours, étant précisé que l’entreprise est légalement tenue  de souscrire une assurance de responsabilité civile décennale

A l’assureur, notamment au titre d’une police DO :

  • d’être très vigilant quant au respect des délais édictés par l’article L. 242-1 du Code des assurances, les sanctions attachées étant particulièrement importantes puisque l’assureur DO pourrait être tenu de délivrer sa garantie alors même que le désordre ne serait pas de nature décennale.

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