La responsabilité des Laboratoires Servier reconnue dans l’affaire du Médiator (Civ. 1re, 20 sept. 2017, n° 16-19.643)

Par son dernier arrêt du 20 septembre 2017 dans l’affaire du Médiator, la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir reconnu la responsabilité des Laboratoires SERVIER du fait des produits défectueux, en considérant qu’ils ne peuvent invoquer le risque de développement pour s’exonérer de leur responsabilité puisque le défaut aurait dû être décelé dès 1997-1998.

Le médicament antidiabétique Médiator a été commercialisé entre 1976 et 2009 par les Laboratoires SERVIER, avant que son principe actif, le Benfluorex, soit démontré à l’origine d’hypertension et qu’il soit retiré du marché.

En l’espèce, la demanderesse, souffrant d’une insuffisance aortique, avait été traitée par ce médicament entre 2006 et 2009 et reprochait au fabricant d’avoir continué à le commercialiser malgré une connaissance des effets.

La responsabilité du fabricant a été reconnue par les juges de première instance et l’arrêt de la Cour d’appel a confirmé le lien entre la maladie et la prise du Médiator, sur la base des présomptions de fait du nouvel article 1382 du Code civil.

Le fabricant s’est donc pourvu en cassation, considérant notamment que :

  • Le lien de causalité entre la prise du médicament et l’insuffisance aortique de la patiente n’était pas établi ;
  • Il devait être exonéré de sa responsabilité en application de l’article 1386-11 devenu 1245-10 du Code civil.

La première chambre civile de la Cour de cassation, par l’arrêt du 20 septembre 2017, a rejeté le pourvoi en considérant notamment que :

  • « Mais attendu que l’arrêt relève que, si l’expert judiciaire a conclu à une causalité seulement plausible, le collège d’experts, placé auprès de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et chargé d’émettre un avis sur les dommages et les responsabilités en vue d’une indemnisation amiable des victimes du benfluorex, s’est ensuite, à la demande de Mme X…, prononcé en faveur d’une imputabilité de l’insuffisance aortique à la prise de Mediator, que la connaissance sur les effets nocifs du médicament avait alors progressé, qu’aucune hypothèse faisant appel à une cause étrangère n’a été formulée et qu’aucun élément ne permet de considérer que la pathologie de l’intéressée est antérieure au traitement par le Mediator ; que, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni entacher sa décision de contradiction, dès lors qu’elle s’est bornée à reproduire les constatations médicales sur le grade de l’insuffisance aortique présentée par Mme X…, la cour d’appel a pu en déduire qu’il existait des présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir que sa pathologie est imputable au Mediator ; »

 

  • Et que « le producteur est responsable de plein droit du dommage causé par le défaut de son produit à moins qu’il ne prouve, selon le 4° de l’article 1386-11, devenu 1245-10 du code civil, que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut ; que la date de mise en circulation du produit qui a causé le dommage s’entend, dans le cas de produits fabriqués en série, de la date de commercialisation du lot dont il faisait partie ; Et attendu qu’après avoir retenu le caractère défectueux du Mediator, l’arrêt décrit, par motifs propres et adoptés, les conditions dans lesquelles ont été révélés les effets nocifs de ce produit en raison, notamment, de sa similitude avec d’autres médicaments qui, ayant une parenté chimique et un métabolite commun, ont été, dès 1997, jugés dangereux, ce qui aurait dû conduire la société à procéder à des investigations sur la réalité du risque signalé, et, à tout le moins, à en informer les médecins et les patients ; qu’il ajoute que la possible implication du Mediator dans le développement de valvulopathies cardiaques, confirmée par le signalement de cas d’hypertensions artérielles pulmonaires et de valvulopathies associées à l’usage du benfluorex, a été mise en évidence par des études internationales et a conduit au retrait du médicament en Suisse en 1998, puis à sa mise sous surveillance dans d’autre pays européens et à son retrait en 2003 en Espagne, puis en Italie ; que, de ces énonciations, desquelles il résulte que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment de la mise en circulation des produits administrés à Mme X…entre 2006 et 2009, permettait de déceler l’existence du défaut du Mediator, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit que la société n’était pas fondée à invoquer une exonération de responsabilité au titre du dommage subi par Mme X…; »
By | 2017-12-26T11:52:47+00:00 janvier 15th, 2018|responsabilité des produits défectueux|0 Comments

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