Vers la fin de l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle (Cass. 3ème civ., 18 mai 2017, n°16-11.203)

Dans un arrêt « Myr’Ho » (ou « Bootshop ») du 6 octobre 2006 (Cass. Ass. Plen., 6 octobre 2006, n°05-13.255), l’assemblée plénière de la Cour de cassation avait considéré que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ».

Ainsi, il a été permis à un tiers au contrat de se prévaloir d’une inexécution contractuelle pour démontrer l’existence d’une faute au sens de l’article 1382 devenu 1240 du Code civil.

Cette position a été vivement critiquée par une partie de la doctrine, et ce pour deux raisons :

  • cela méconnait le principe de l’effet relatif des contrats ;
  • cela place le tiers dans une position plus favorable que le cocontractant, puisqu’il peut invoquer le contrat sans se le voir opposer.

Le principe a donc été nuancé à plusieurs reprises depuis 2006, mais souvent par des arrêts d’espèce, non publiés.

L’arrêt cité du 18 mai 2017, dans cette lignée mais largement diffusé, limite les possibilités qu’a le tiers victime pour invoquer une faute contractuelle au soutien de son action de nature délictuelle puisque la Cour de cassation cassant la décision de la Cour d’appel, considère qu’ « en statuant ainsi, par des motifs qui, tirés du seul manquement à une obligation contractuelle de résultat de livrer un ouvrage conforme et exempt de vices, sont impropres à caractériser une faute délictuelle, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »

Dans chaque cas, il convient donc de distinguer la faute purement contractuelle, comme en l’espèce, de celle qui constitue également une faute délictuelle (généralement la violation d’une obligation générale).

Des éclaircissements sont donc nécessaires quant aux critères permettant d’assimiler, ou non, une faute contractuelle à une faute délictuelle.

Le projet de réforme du droit de la responsabilité civile présenté en avril 2017 s’attache à clarifier la situation puisque son article 1234 dispose que :

« Lorsque l’inexécution du contrat cause un dommage à un tiers, celui-ci ne peut demander réparation de ses conséquences au débiteur que sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, à charge pour lui de rapporter la preuve de l’un des faits générateurs visés à la section II du chapitre II.

Toutefois, le tiers ayant un intérêt légitime à la bonne exécution d’un contrat peut également invoquer, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage. Les conditions et limites de la responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre les contractants lui sont opposables. Toute clause qui limite la responsabilité contractuelle d’un contractant à l’égard des tiers est réputée non écrite.»

On peut donc espérer les éclaircissements nécessaires lors de la réforme à venir.

By | 2017-12-26T12:02:50+00:00 avril 15th, 2018|responsabilité civile|0 Comments

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