Contrat d’assurance et aléa – Fiche n°1 A savoir / A conseiller

Contrat d’assurance et aléa : à savoir

1/ Le contrat d’assurance est un contrat aléatoire

Cela résulte de l’article 1964 du Code civil qui le fait figurer comme tel aux côtés du contrat de jeu et pari et du contrat de rente viagère. Ce caractère aléatoire constitue d’ailleurs l’essence même du contrat d’assurance.

2/ L’aléa garantit l’équilibre économique

Le contrat d’assurance mutualise les risques. Alors que certains n’auront jamais ou très peu de sinistres, d’autres en auront beaucoup… L’assureur fixe les primes dues par chacun en fonction de leur propre sinistralité, mais également d’un équilibre global, déterminé par les actuaires d’assurance. En d’autres termes, sans aléa, pas d’équilibre économique et pas d’assurance.

3/ L’incidence sur les obligations de l’assuré

 L’assuré doit déclarer les évènements susceptibles d’influer sur le risque assurable au jour de la souscription, mais aussi au cours de la vie du contrat :

– Le Code des assurances, en son article L. 113-2 2° et 3°, exige de l’assuré respectivement :

  • qu’il réponde « exactement aux questions posées par l’assureur notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge »
  • et qu’il déclare « en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur, notamment dans le formulaire (.) ».

– Le législateur sanctionne :

  • la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré, par la nullité du contrat d’assurance (article L. 113-8 du Code des assurances[1])
  • la fausse déclaration non intentionnelle de ce dernier , par l’application de la « règle proportionnelle de prime » (article L. 113-9 du Code des assurances[2]).

Les juges ont étendu le champ de la faute dolosive :

  • Selon l’article L 113-1 du Code des assurances, la faute dolosive n’a pas à être garantie par l’assureur et s’entend, en droit des assurances[3], de manière restrictive comme la faute intentionnelle
  • La jurisprudence a considéré que l’assureur peut refuser sa garantie au visa des articles 1969 et 1131 du Code civil lorsque l’assuré, par son comportement, ne pouvait ignorer que sa responsabilité civile serait engagée (hypothèses où un cocontractant manque délibérément à ses obligations contractuelles sans pour autant vouloir nuire à son cocontractant)
  • Aujourd’hui, on retrouve d’ailleurs, dans la très grande majorité des polices d’assurance de responsabilité, des clauses d’exclusion visant l’hypothèse d’un manquement délibéré ou volontaire de l’assuré, dont la validité pourrait, le cas échéant, être contestée, selon le libellé et le degré de précision adopté par l’assureur.

4/ L’incidence sur les obligations de l’assureur

 L’assureur n’a pas à garantir les sinistres survenus antérieurement à la souscription et dont l’assuré avait connaissance : 

– La jurisprudence le retient d’ailleurs très régulièrement (Voir notamment Cass. 1ère civ., 4 novembre 2003, Bull. civ. I, n°220), déclarant le contrat d’assurance privé de tout aléa nul et non avenu, au visa des articles 1964 et 1131 du Code civil (Voir notamment Cass. 3ème civ., 26 juin 1970, JCP 1971 II 16695, note A. M B).

– la loi du 1er août 2003 (n°2003-706) a introduit, en matière de responsabilité civile, un article L 124-5 du Code des assurances régissant la question de l’application de la garantie dans le temps, qui dispose que « L’assureur ne couvre pas l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s’il établit que l’assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie ».

 Il ne devrait pas pouvoir subordonner sa garantie à des évènements dont il a la maitrise et faire figurer des clauses allant dans ce sens dans ses polices :

Ce point pose de nombreuses questions et trouve des applications variées en jurisprudence :

  • par exemple, on peut légitimement s’interroger sur la validité d’une clause qui, dans un contrat d’assurance santé ou prévoyance, subordonnerait la garantie incapacité ou invalidité à la constatation de l’état de santé de l’assuré par le médecin conseil de l’assureur. Le médecin conseil étant mandaté par l’assureur, il pourrait en effet être considéré qu’un tel contrat d’assurance est privé de tout aléa.
  • Cette clause pourrait également être déclarée nulle car purement et simplement potestative (Voir article 1170 du Code civil[4]).

En tout état de cause, les polices d’assurance étant très diverses, l’appréciation des juges se fera au cas par cas en fonction de la rédaction de la police. La jurisprudence l’a d’ailleurs rappelé fréquemment, en indiquant que l’appréciation de l’aléa relevait de l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass. 1ère civ., 20 juin 2000, Bull. civ.I , n°49).

Les contrats d’assurance et l’aléa : à conseiller

 Pennec & Michau conseille :

A l’assuré :

  • de prendre garde à répondre sincèrement aux questions posées par l’assureur et ainsi à respecter son obligation de déclaration
  • d’éviter ainsi que l’assureur, en cas de sinistre et s’il en a la preuve, fasse valoir toute éventuelle fausse déclaration pour exclure ou réduire sa garantie.

A l’assureur :

  • de veiller à ce que les clauses de ses polices ne conduisent pas à priver le contrat d’assurance de tout aléa
  • d’éviter, en cas de sinistre, que l’assuré fasse valoir ainsi l’absence d’aléa pour faire déclarer ladite clause réputée non écrite. Le risque est ici d’autant plus grand que la jurisprudence, en matière d’assurance, est censée interpréter les contrats d’assurance favorablement aux assurés.

 

Notes :

[1] « Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l’article L. 132-26, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre. Les primes payées demeurent alors acquises à l’assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts. Les dispositions du second alinéa du présent article ne sont pas applicables aux assurances sur la vie ».

[2] « L’omission ou la déclaration inexacte de la part de l’assuré dont la mauvaise foi n’est pas établie n’entraîne pas la nullité de l’assurance. Si elle est constatée avant tout sinistre, l’assureur a le droit soit de maintenir le contrat, moyennant une augmentation de prime acceptée par l’assuré, soit de résilier le contrat dix jours après notification adressée à l’assuré par lettre recommandée, en restituant la portion de la prime payée pour le temps où l’assurance ne court plus. Dans le cas où la constatation n’a lieu qu’après un sinistre, l’indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés ».

[3] A l’inverse, en droit commun, la faute dolosive n’exige pas l’intention de nuire (Voir arrêt dit des comédiens français Cass. 1ère civ., 4 février 1869).

[4] « La condition potestative est celle qui fait dépendre l’exécution de la convention d’un événement qu’il est au pouvoir de l’une ou de l’autre des parties contractantes de faire arriver ou d’empêcher ».

2018-06-22T09:59:53+00:00