La prescription – Fiche N°6 A savoir/A conseiller

La prescription : à savoir

1/ Il existe 2 catégories de prescription

 La prescription acquisitive traite de la propriété et trouve à s’appliquer dans des cas relativement limités et marginaux, à tout le moins spécifiques. Elle est définie par l’article 2258 du Code civil comme :

un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi

La prescription extinctive se présente comme un mécanisme transversal, générique, qui concerne l’ensemble des domaines du droit et qui s’avère véritablement fondamental. Pour cette raison, cette fiche ne porte que sur la prescription extinctive. Elle est définie à l’article 2219 du Code civil comme :

un mode d’extinction d’un droit résultat de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.

La renonciation à la prescription peut être expresse ou tacite, en application de l’article 2251, alinéa 1er du Code civil. L’article 2250 du Code civil prévoit :

 Seule une prescription acquise est susceptible de renonciation.

 2 / Il faut distinguer prescription et forclusion

 Il est important de distinguer la prescription de mécanismes voisins tels que, par exemple, celui de la forclusion. En effet, à la différence du délai de prescription, un délai de forclusion n’est pas susceptible de suspension ou d’interruption. Un exemple de délai de forclusion peut être puisé en matière de droit des transports terrestres. L’article L.133-3, alinéa 1er du Code de commerce dispose que :

La réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle si dans les trois jours, non compris les jours fériés, qui suivent celui de cette réception, le destinataire n’a pas notifié au voiturier, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée, sa protestation motivée.

Ce délai de 3 jours, ramené à 10 jours en matière de rapports consommateurs/professionnels, est un délai de forclusion, et non un délai de prescription, insusceptible de suspension ou d’interruption.

 3/ Les différents délais de la prescription extinctive

 La prescription extinctive, en matière civile, a fait l’objet d’une refonte globale et profonde en 2008 qui s’est traduite par une modification du délai de principe. Ainsi, depuis la Loi n°2008-561 du 17 juin 2008, d’application immédiate, le délai de prescription général et générique, s’appliquant par principe, est désormais de 5 ans alors qu’auparavant, selon qu’il était question de responsabilité contractuelle ou délictuelle, il était de 30 ou 10 ans. En ce sens, l’article 2224 du Code civil issu de cette loi dispose que :

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Demeure néanmoins un certain nombre de prescriptions courtes, dans des domaines où le législateur veut éviter une “sur-judiciarisation” ou dans des domaines où l’écoulement du temps se traduit par une nécessaire perte du matériau probatoire justifiant qu’au bout d’un certain délai, le droit d’action soit considéré comme éteint. Citons à titre de simples exemples, sans que la liste ne soit exhaustive :

  • la prescription biennale applicable en matière de garantie des vices cachés, l’ancien “bref délai”

En effet, l’article 1648, alinéa 1er du Code civil dispose que :

L’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Cette prescription est très importante dans la pratique judiciaire et contentieuse, lorsqu’il est question de la défectuosité d’un bien ou d’une chose vendue et au titre de laquelle on demanderait indemnisation. D’autant que le justiciable qui se plaindrait d’un défaut d’un produit ou d’une chose qui lui aurait été vendu, n’a pas le choix du fondement sur lequel il peut agir et notamment ne peut pas choisir d’agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun pour laquelle le délai de prescription est de 5 ans, s’il est bien question de ” vice caché ” et non de simple ” non conformité contractuelle “.

  • la prescription biennale applicable en matière de droit des assurances

L’article L. 114-1 du Code des assurances dispose, en effet, que :

Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.

Cette prescription donne lieu un important contentieux.

  • La prescription annale encore en droit des transports terrestres et de transport international

L’article L. 133-6, alinéa 1er du Code de commerce dispose que :

Les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d’un an, sans préjudice des cas de fraude ou d’infidélité.

Cette même prescription annale existe en matière de transport international soumis à la Convention de GENEVE dite “CMR”.

A noter qu’en cas de reconnaissance de responsabilité par le débiteur du droit du créancier postérieurement à l’acquisition de la prescription courte, celui-ci est réputé y avoir renoncé et être soumis au délai de droit commun de 5 ans.

4/ La computation des délais et la fixation du point de départ de la prescription

 Les délais se comptent en jours. Les articles 2228 et 2229 du Code civil prévoient :

La prescription se compte par jours, et non par heures” et “est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.

Le délai de prescription court, en principe, à compter du jour où le débiteur a conscience du droit dont il est titulaire et à compter du jour où il peut l’exercer. En ce sens notamment, l’article 2233 du Code civil dispose que :

La prescription ne court pas :

1° A l’égard d’une créance qui dépend d’une condition, jusqu’à ce que la condition arrive ;

2° A l’égard d’une action en garantie, jusqu’à ce que l’éviction ait lieu ;

3° A l’égard d’une créance à terme, jusqu’à ce que ce terme soit arrivé.

Surtout, l’article 2234 du Code civil dispose que :

La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

5/ Les modes d’interruption ou de suspension de la prescription

Le cours de la prescription peut être interrompu ou juste suspendu.

Lorsqu’il est interrompu, le délai de prescription acquis est effacé et un nouveau délai court de nouveau, un délai de la même durée que l’ancien (article 2231 du Code civil).

En revanche, lorsque le cours du délai est suspendu, la suspension arrête temporairement le cours du délai, sans néanmoins effacer le délai déjà couru (article 2230 du Code civil). Autrement dit, le délai reprendra son cours là où il l’avait arrêté, lorsque la cause de suspension prendra fin.

Parmi les causes de suspension, celle qui est sans doute la plus importante en pratique est celle prévue à l’article 2239, alinéa 1er du Code civil selon lequel :

La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès.

Cela vise, en effet, les hypothèses, très fréquentes en pratique, où le justiciable est contraint de saisir le juge pour qu’il ordonne, avant dire droit ou en référé, une expertise judiciaire. La saisine du juge suspendra le délai, lequel reprendra son cours une fois l’ordonnance rendue.

Les causes d’interruption sont quant à elles beaucoup plus nombreuses et figurent aux articles 2240 et suivants du Code civil. Parmi les plus importantes, il faut retenir :

  • la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait
  • la demande en justice, même en référé et même portée devant une juridiction incompétente.

A noter qu’il existe également certains modes d’interruption spécifiques. C’est le cas de l’envoi d’une lettre RAR de l’assuré à l’assureur qui, en droit des assurances, a pour effet d’interrompre le cours du délai de prescription biennale. Ce mode interruptif de prescription a d’ailleurs pu donner lieu à un important contentieux, la jurisprudence exigeant notamment que la lettre émane de l’assuré, le cas échéant de son mandataire qui peut être son courtier, mais surtout qu’elle soit adressée à l’assureur lui-même, le courtier n’étant pas considéré, en principe, comme le mandataire de l’assureur.

La prescription : à conseiller

 Pennec & Michau conseille :

 A ceux qui souhaitent connaître leurs chances de succès dans le cadre d’une action judiciaire :

  • d’être particulièrement vigilants sur cette question car la prescription est une cause d’irrecevabilité de l’action et des demandes, en application de l’article 122 du Code de procédure civile
  • de consulter un avocat pour qu’il se prononce en amont sur ce point car la prescription est un sujet aussi fondamental que complexe et la jurisprudence en la matière est diverse et foisonnante. Il s’agit de l’une des premières choses que tout avocat est censé vérifier lorsqu’il est consulté.
By | 2018-06-22T09:51:22+00:00 avril 1st, 2018|prescription|0 Comments

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