Concernant la commande publique et dans l’exposé des motifs du projet de loi sur l’urgence sanitaire, le Gouvernement indique que : « La crise du covid-19 a un impact considérable sur l’économie en rendant impossible l’exécution de nombreuses prestations et annulant de nombreux contrats. »
La crise du coronavirus et les mesures ordonnées par le gouvernement empêchent effectivement de nombreux cocontractants de respecter leurs engagements, y compris bien évidemment pour les contrats privés.
La question se pose donc de savoir si le coronavirus peut être qualifié de cas de force majeure, qui permettrait d’échapper à l’application du contrat.
Pour les contrats conclus et renouvelés, dont ceux tacitement reconduits, après le 10 février 2016, le nouvel article 1218 du Code civil s’applique.
Selon cet article :
« ily a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. ».
Cet article reprend donc les critères dégagés par la jurisprudence. Pour qu’il y ait force majeure, l’évènement doit être :
- extérieur à la volonté du débiteur (échappant à son contrôle) ;
- imprévisible à la conclusion du contrat ;
- irrésistible (les effets de l’événement extérieur et imprévu ne peuvent être « évités par des mesures appropriées») ;
Il faut également que cet événement « empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».
Il convient également de s’assurer que le contrat ne contient pas de clauses définissant précisément la force majeure, ou qui en aménagerait les effets, et de vérifier la validité et opposabilité de ces clauses.
La jurisprudence valide parfois ce type de clauses (par exemple : Cass. 3e civ., 31 oct. 2006, n° 05-19.171).
Néanmoins, ces clauses peuvent également être privées de leur efficacité : droits spéciaux (C. consom., art. L. 212-1 ; C. com., art. L. 442-1, I, 2°.) ou en droit commun (articles 1170 et suivants du Code civil).
En l’absence de prévision contractuelle par les parties, l’appréciation faite par les Juges semble plutôt défavorable à la reconnaissance de la qualification de force majeure en cas d’épidémie. Ainsi, n’ont pas été reconnues comme constituant un cas de force majeure :
- le bacille de la peste (Paris, 25 sept. 1996, n° 1996/08159) ;
- les épidémies de grippe H1N1 en 2009 (Besançon, 8 janv. 2014, n° 12/0229) ;
- le virus la dengue (Nancy, 22 nov. 2010, n° 09/00003) ;
- le virus du chikungunya (Basse-Terre, 17 déc. 2018, n° 17/00739).
L’appréciation des conditions de la force majeure doit se faire au cas par cas.
Or, dans le cas du coronavirus, la situation est très particulière, tant dans l’ampleur de l’épidémie qu’au regard des mesures prises par le gouvernement.
En effet, le 30 janvier 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que le covid-19 constituait une urgence de santé publique de portée internationale et un état d’urgence sanitaire a été instauré en FRANCE.
Le gouvernement a limité et interdit les rassemblements et déplacements de personnes ainsi que l’ouverture de la plupart des commerces.
Concernant certains virus exposéssupra, la jurisprudence a parfois considéré que la condition d’irrésistibilité n’était pas remplie car l’affection n’était pas létale et qu’il existait des traitements.
Cela pourrait conduire les Tribunaux, dans un raisonnement a contrario, à retenir que la condition d’irrésistibilité est remplie pour l’épidémie en elle-même, et pour le confinement et les mesures gouvernementales auxquelles on ne peut déroger.
Concernant la question de l’imprévisibilité, il faudra se référer aux prévisions du contrat, et à la période pendant laquelle il a été conclu.
Ainsi, il est peu probable que la condition d’imprévisibilité soit remplie si le contrat a été conclu alors que l’épidémie avait déjà commencé.
Mais suivant les caractéristiques du contrat et l’éventuelle présence d’éléments d’extranéité, des débats vont nécessairement avoir lieu sur le moment à partir duquel l’impact du coronavirus ou la possibilité d’un confinement n’était plus imprévisible.
Par ailleurs, et pour être qualifiée de force majeure, l’événement doit avoir « rendu absolument impossible l’exécution de l’obligation contractée » (Cass. soc., 25 févr. 1954 : Bull. civ. IV, n° 107).
Si l’exécution n’est pas rendue impossible, mais excessivement onéreuse, c’est à la théorie de l’imprévision qu’il conviendra de se reporter.
En définitive, si le coronavirus, qui n’était pas nécessairement imprévisible, pourrait ne pas être considéré en tant que tel comme caractérisant la force majeure, la situation de confinement qu’il a généré devrait quant à elle justifier pour la période dudit confinement, une telle qualification. L’avenir nous le dira car nul doute que les Tribunaux auront à se prononcer sur ces questions.
Clément MICHAU & Louise TIRY-HESSE
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