COVID-19 & Assurance

Le confinement en place depuis le 17 mars 2020 devrait conduire à une baisse de la sinistralité supportée par les assureurs automobiles et IARD qui constatent déjà une baisse du nombre d’accidents de la circulation ou des vols.

A ce titre, la MAIF a annoncé qu’elle reverserait 100 millions d’euros à ses sociétaires, soit 30 à 40 euros par assuré.

Mais la question se pose des couvertures d’assurances des risques liés à l’épidémie de coronavirus en elle-même.

Les contrats d’assurance complémentaire santé et les contrats de prévoyance peuvent naturellement intervenir pour indemniser les assurés en cas d’épidémie.

Concernant les risques d’annulation de voyages, cela dépendra des contrats souscrits.

En cas de forfait touristique, un remboursement par le voyagiste serait possible sur le fondement de l’article L. 211-14, II, du Code du tourisme.

En cas d’achat d’un billet seul, l’assurance annulation est fréquemment une assurance affinitaire. Si le vol est maintenu mais que l’assuré annule son voyage, elle devrait couvrir en cas d’atteinte par le coronavirus de l’assuré, mais pas en cas d’annulation par l’assuré par mesure de précaution.

Compte tenu du nombre de particuliers ayant annulé des voyages, il y aura certainement une jurisprudence importante portant sur l’interprétation des différents contrats.

Au regard de l’enjeu, la difficulté principale va concerner les risques des entreprises et notamment rupture de la chaîne d’approvisionnement, défaut de livraison, et surtout annulation d’évènements et pertes d’exploitation.

La possibilité de mobiliser la garantie dépendra uniquement de la rédaction de la police quant aux risques couverts et exclusions. C’est pourquoi il n’est pas raisonnable de vouloir commenter les prises de position de tel ou tel assureur qui viennent à être médiatisés, sans avoir accès par ailleurs aux polices d’assurance concernées, qui plus est leur intégralité.

La plupart des polices d’assurance annulation d’évènementsexcluent le risque épidémie.

Dans certains cas, cela pourra dépendre de ce qui a contraint à l’annulation de l’événement. Par exemple, si l’organisateur d’une manifestation a décidé de l’annuler par mesure de précaution, l’assurance annulation ne sera sans doute pas mobilisée, mais si l’annulation fait suite à l’interdiction administrative des rassemblements supérieurs à 5000 personnes, la garantie pourrait être discutée.

Les organisateurs ayant choisi d’assurer spécifiquement le risque épidémie sont très peu nombreux, et dans les évènements internationaux à venir, seuls le tournoi de Wimbledon et les Jeux Olympiques de TOKYO semblent être couverts.

Les organisateurs du premier devraient être indemnisés à hauteur de la somme de 114 millions de livres, ce qui correspondrait environ à la moitié des pertes estimées.

Concernant la couverture des pertes d’exploitation, la difficulté provient du fait qu’elles sont subies sans dommage (c’est-à-dire qu’elles ne font pas suite à un incendie ou dégât des eaux par exemple), comme cela avait déjà été le cas pendant la crise des « gilets jaunes » pour les commerces qui devaient fermer.

Ces pertes d’exploitation sans dommages sont exclues par la plupart des contrats.

Dans le prolongement de plusieurs messages du Ministre de l’économie en ce sens, le Président de la République, le 13 avril, a fait valoir que « Les assurances doivent être au rendez-vous de cette mobilisation économique. J’y serai attentif ».

A l’heure où nous écrivons ces lignes, les assureurs maintiennent, pour l’essentiel, un refus de garantie. Florence Lustman, présidente de la FFA, a indiqué qu’« En France, les pertes d’exploitation liées à la pandémie se chiffrent à près de 60 milliards, c’est-à-dire plus que les fonds propres des assureurs non vie », et qu’« indemniser les pertes d’exploitation liées à la pandémie reviendrait à mettre le secteur de l’assurance à terre ».

Cette position n’est pas comprise par nombre d’assurés, qui subissent une situation de cessation partielle ou totale d’activité, avec des incidences économiques et financière particulièrement lourdes et qui cherchent donc – ce qui est évidemment compréhensible – à être indemnisés, au moins partiellement, du préjudice subi.

Cette divergence d’interprétation des garanties d’assurance, renforcée par la diversité du contenu des polices à cet égard, devrait donner lieu à un contentieux important.

Une action a ainsi été initiée à l’encontre de la compagnie AXA par un restaurateur qui bénéficierait notamment dans sa police, d’« une extension pour les pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative imposée par les services de police ou d’hygiène ou de sécurité ». Il considère que cette clause doit être interprétée comme couvrant les pertes d’exploitation découlant de la fermeture des établissements qui a été décidée par le gouvernement. A ce stade, AXA maintient son refus de garantie.

La compagnie BPCE IARD a indiqué que parmi les 6.000 professionnels de la restauration qu’elle assure, 4.000 bénéficierait d’une garantie couvrant les pertes d’exploitation résultant d’une fermeture administrative liée à une épidémie.

L’indemnisation de ces pertes correspondrait à un total supérieur à 100 millions d’euros pour l’assureur.

Les autres activités (hôtellerie, chambres d’hôte, hôtellerie de plein air) « ne sont pas concernées par l’arrêté [du 14 mars 2020] et donc n’entrent pas dans le cadre de la mise en jeu des garanties contractuelles », a indiqué la BPCE.

Il apparaît certain que les contentieux découlant de l’interprétation des polices d’assurances seront nombreux et se résoudront au cas par cas.

Concernant les polices d’assurance qui couvrent les pertes d’exploitation sans dommage, il ne paraitrait pas possible pour l’assureur de finalement refuser sa garantie, ceci sous réserve bien entendu des éventuelles exclusions prévues, relatives notamment aux épidémies, exclusions qui devront toutefois être formelles (claires) et limitées (ne pas avoir pour effet de priver la garantie de tout objet), pour être considérées comme valables et opposables aux assurés.

L’assureur pourra résilier le contrat à l’échéance annuelle ou après sinistre si une clause le prévoit, mais cette résiliation n’agira que pour l’avenir.

Le fait d’invoquer la théorie de la force majeure ne permettra pas à l’assureur de s’opposer valablement à l’exécution de son obligation d’indemniser – la force majeure n’étant pas applicable pour les obligations de versement d’une somme d’argent.

Quant à la notion d’imprévision, admise depuis 2016 par l’article 1195 du Code civil, elle ne devrait pas non plus pouvoir être invoquée par l’assureur qui est réputé avoir accepté d’assumer le risque d’imprévisibilité.

La faible couverture des pertes d’exploitation subis, à savoir « sans dommage » au sens assurantiel, va être particulièrement préjudiciable pour les entrepreneurs impactés, malgré les mesures mises en place par ailleurs par le gouvernement.

 

Clément MICHAU & Louise TIRY-HESSE

By | 2020-06-02T12:36:47+00:00 mai 3rd, 2020|assurance|0 Comments

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