COVID-19 & Délais

  1. Le cadre normatif

La circulaire relative à l’adaptation de l’activité pénale et civile des juridictions aux mesures de prévention et de lutte contre la pandémie covid-19 diffusée par la Chancellerie le 14 mars 2020 a invité les juridictions à mettre en place des plans de continuité de l’activité.

Depuis le 16 mars 2020, les juridictions sont fermées et seules les audiences relatives aux « contentieux essentiels » sont maintenues.

L’activité judiciaire est donc particulièrement bouleversée depuis cette date, et le confinement de la population ainsi que la fermeture de la plupart des commerces empêchent le respect de nombreux délais civils.

Ceux-ci ont notamment été aménagés par deux des ordonnances du 25 mars 2020 :

  • La première ordonnance n° 2020-304 porte sur l’adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.

Les dispositions de cette ordonnance prévoient notamment :

  • la possibilité, lorsqu’une juridiction du premier degré est dans l’incapacité totale ou partielle de fonctionner, d’opérer un transfert de compétence vers une autre juridiction de même nature et du ressort de la même Cour ;
  • la mise en place de procédures sans audience (en cas de représentation obligatoire uniquement), avec publicité restreinte ou en chambres du conseil, en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle ou à juge unique  ;
  • la possibilité pour le juge des référés de « rejeter la demande avant l’audience, par ordonnance non contradictoire, si la demande est irrecevable ou s’il n’y pas lieu à référé».
  • La seconde ordonnance n° 2020-306, est relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

 

  1. Les délais concernés

L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 prévoit que :

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. »

Sont également « prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période :

1° Mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ;
2° Mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction ;
3° Autorisations, permis et agréments ;
4° Mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ;
5° Les mesures d’aide à la gestion du budget familial.
 » (article 3)

Il faut notamment retenir que les délais judiciaires sont impactés et par exemple :

  • le délai pour exercer une voie de recours ;
  • le délai de 4 mois pour enrôler une assignation devant le tribunal judiciaire ;
  • les délais dans les procédures d’appel avec représentation obligatoire impartis à peine de caducité de la déclaration d’appel (C. pr. civ., art. 902, 905-1, 905-2, 908, 911 et 922) et de la déclaration de saisine (C. pr. civ., art. 1037-1) ou d’irrecevabilité des conclusions (C. pr. civ., art. 905-2, 909, 910, 911 et 1037-1).

 

Par ailleurs, les mesures concernent donc aussi les délais d’action (prescription et forclusion).

L’article 2 s’applique à toutes les prescriptions, qu’il s’agisse de la prescription biennale résultant de l’article L114-1 du Code des assurances, comme d’autres prescriptions applicables à la matière (comme la prescription décennale en matière de dommages corporels ou de réclamations de tiers au titre d’assurance-vie).

Certains délais spécifiques sont expressément exclus par l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306.

Il convient de noter qu’une ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 a modifié l’ordonnance du 25 mars en excluant expressément du bénéfice des nouveaux délais de l’article 2, les « délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement » qui sont nombreux en assurance.

  1. La prorogation des délais

Une circulaire n° CIV/01/20 du 26 mars 2020 vient préciser les dispositions du titre Ier de l’ordonnance en indiquant que « L’ordonnance ne prévoit ni une suspension générale ni une interruption générale des délais arrivés à terme pendant la période juridiquement protégée définie à l’article 1er, ni une suppression de l’obligation de réaliser tous les actes ou formalités dont le terme échoit dans la période visée. L’effet de l’article 2 de l’ordonnance est d’interdire que l’acte intervenu dans le nouveau délai imparti puisse être regardé comme tardif. »

L’ensemble des dispositions met en place une période juridiquement protégée « entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 ».

L’article 4 de la loi du 23 mars 2020 déclare l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi, le 24 mars 2020. La date de cessation de l’état d’urgence sanitaire est donc fixée pour le moment au 24 mai 2020, mais peut être modifiée par simple décret.

La période juridiquement protégée court donc pour l’instant du 12 mars au 24 juin 2020.

Il est prévu que les diligences qui auraient dû être effectuées au cours de cette période seront réputées avoir été faites à temps si elles sont accomplies dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de la période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

Les différents délais auxquels les ordonnances sont applicables et arrivant à échéance pendant la période juridiquement protégée peuvent donc bénéficier des prorogations suivantes (les délais qui ne sont pas arrivés à terme pendant cette période sont maintenus) :

  • Si le délai initial est supérieur à deux mois, le délai supplémentaire expirera le 25 août 2020
  • Si le délai initial est inférieur à deux mois, le délai supplémentaire va s’ouvrir à la fin de la période pour une même durée que celle initialement prévue.

Enfin, l’article 2234 du Code civil dispose que « La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. »

Par conséquent, si un délai de prescription venait à ne pas être prorogé par l’ordonnance, il pourrait être envisagé de se prévaloir de cette disposition de droit commun.

Encore une fois, il faudrait donc que l’épidémie ou ses conséquences soient qualifiées de cas de force majeure.

Dans ce cas, le cours de la prescription serait simplement suspendu et la procédure devrait être introduite dès la levée du confinement ou de l’état d’urgence, avant l’expiration du délai de prescription restant à courir.

Il convient par ailleurs de noter qu’en application de l’article 2238 du Code civil, la médiation suspend la prescription.

 

Clément MICHAU & Louise TIRY-HESSE

 

 

By | 2020-06-02T12:32:59+00:00 mai 3rd, 2020|assurance|0 Comments

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